De 1880 à 1920, près de 120 résidents du district judiciaire de Saint-François (Québec) se virent amputés de leurs droits civils au moyen de la procédure d’interdiction et curatelle en raison du constat par leur entourage de « troubles mentaux ». Un large éventail de critères guidait alors la population « saine » dans la mise en œuvre, aux dépens d’« aliénés », d’une certaine idée de la normalité. La présente recherche, à partir de l’examen exhaustif de ces dossiers judiciaires d’interdiction, tente de cerner les critères de la normalité, les différentes barrières qu’il ne fallait pas franchir sans risquer de recevoir l’étiquette de fou ou d’unsound of mind.
En effet, on trouve dans ces documents des témoignages où des gens ordinaires décrivent des comportements qui à leurs yeux relèvent de la folie. Ce qu’une société tient pour anormal révèle simultanément les valeurs qui la rassemblent, les valeurs auxquelles elle confère le statut de normes. D’où le passage possible des descriptions de déviance mentale à l’étude de la normalité.
L’exposé prend la forme d’une analyse du discours tenu sur les différents aspects de la vie économique, sociale et culturelle par lesquels l’écart aux normes était possible. L’individu, au tournant du siècle, devait faire preuve d’une autonomie économique particulière, entretenir des liens étroits avec son réseau social et se plier à un code complexe des bonnes mœurs et de la morale.
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