@phdthesis{1119, author = {François Baillargeon}, title = {La crise de la médecine libérale et le débat sur les assurances sociales au Québec de 1925 à 1945 à travers les pages du journal L’Action médicale}, abstract = {
Le Québec de l’entre-deux-guerres connaît une importante croissance du capitalisme industriel. C’est l’approfondissement et l’accélération d’un développement déjà bien amorcé depuis le dernier tiers du XIXe siècle. Les rapports sociaux caractéristiques de cette phase du capitalisme se généralisent en conséquence : prolétarisation des classes populaires et urbanisation.
Les médecins québécois de l’époque prennent conscience avec beaucoup d’inquiétude que les transformations de la structure sociale se déploient à leurs dépens. La classe ouvrière qui s’entasse dans les villes dépend de salaires rarement suffisants pour payer les honoraires d’un médecin ou les frais d’une hospitalisation. Pour le praticien, cela signifie le rétrécissement d’un marché qui autrefois avait fait de la médecine une profession prospère. La part de charité dans le travail médical s’accroît inversement. La médecine libérale, qui repose sur un équilibre entre la responsabilité financière individuelle des patients et le devoir de charité du médecin envers les indigents, entre dans une profonde crise. La profession médicale craint le déclassement social.
Ce mémoire analyse la façon dont un groupe de médecins, à travers un journal de militantisme professionnel, l’Action médicale, rend compte de cette crise et cherche à y faire face. Le premier réflexe des médecins québécois est défensif : il consiste à dénoncer la dérive des institutions d’assistance publique qui, avec le soutien financier de l’État, élargissent la portée des soins gratuits, au-delà des catégories traditionnelles de l’indigence, à une population considérée par les praticiens comme leur légitime clientèle lucrative. On veut endiguer ce qu’on perçoit comme un travail de sape des assises du commerce de la médecine libérale. Les médecins québécois sont par ailleurs aussi réfractaires à la perspective d’un régime d’assurance-maladie, comme divers pays d’Europe l’expérimentent déjà. Ils craignent d’être subordonnés à l’autorité d’une bureaucratie étatique et réduits à vivre de bas salaires.
L’approfondissement de la crise de la médecine libérale – aggravée par la grande dépression des années trente – et l’expérience somme toute positive de la loi de compensation des accidents du travail de 1930 les amènent toutefois à prendre conscience de l’irréversibilité des transformations sociales en cours. Le principe de la responsabilité individuelle devant la maladie ne peut plus soutenir une demande solvable capable de faire prospérer la profession. Pour rétablir des conditions économiques favorables aux médecins, leur assurer un revenu garanti et régulier, il faut socialiser le risque maladie par le biais d’une forme d’assurance. Ce revirement idéologique s’opère évidemment seulement dans la mesure où les médecins comprennent qu’ils peuvent y conserver, voire y consolider l’essentiel de leur pouvoir et de leur indépendance professionnels. L’assurance-maladie ne se fera pas nécessairement à leurs dépens, bien au contraire.
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