Figures marquantes de notre histoire : Ignace Bourget (1799-1885)

24 sep 2020

Né à Lauzon, 11e des 13 enfants d’une famille de cultivateurs, Ignace Bourget est ordonné prêtre à Montréal en 1822, et travaille comme secrétaire puis coadjuteur de Mgr Jean-Jacques Lartigue, auprès de qui il apprend son futur métier. En 1840, il est nommé évêque de Montréal. La période de son épiscopat est celle où, après les convulsions politiques de l’époque des Rébellions, le Canada de l’Union et des premières années de la Confédération se bâtit en nation anglophone et protestante.

C’est aussi celle des débuts de la révolution industrielle, qui va bouleverser en profondeur les destins individuels et les cadres sociaux. Dans ce contexte, Mgr Bourget réussit à faire de l’Église une institution attirante pour une partie significative de la jeunesse, capable de créer autour d’elle de nouvelles solidarités communautaires, et en mesure de donner signification et orientation aux épreuves personnelles comme au destin national; une Église qui se met à organiser le territoire, la société et la nation. Ce faisant, Mgr Bourget heurte bien des pouvoirs, il doit composer même avec le Saint-Siège, et, en 1876, il est contraint de démissionner. Mais l’Église et la nation continueront pendant plusieurs décennies à vivre de l’élan qu’il leur a donné.

Date : 24 septembre 2020 à 19 h
Invitée : Lucia Ferretti, historienne
Animateur : Éric Bédard, historien
Lieu : Auditorium de la Grande Bibliothèque

À propos de Lucia Ferretti

Lucia Ferretti est historienne, spécialiste de l’histoire socioreligieuse du Québec. Elle est professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ses premières recherches ont porté sur le rôle de la paroisse catholique, entre 1850 et 1930, dans l’adaptation à la ville industrielle des ruraux canadiens-français qui venaient s’installer à Montréal (Entre voisins, Boréal, 1992). Elle a aussi travaillé sur la présence des congrégations religieuses féminines dans la protection sociale avant l’avènement de l’État providence (C’est à moi que vous l’avez fait, Septentrion, 2002; Dans Charlevoix, tout se berce, Septentrion, 2014). Ses travaux ont été salués par plusieurs prix, dont le Prix Gérard-Parizeau 2011 (Du devoir de charité au droit à l’aide publique : la naissance de l’État providence au Québec). Elle a aussi publié une Brève histoire de l’Église catholique au Québec (Boréal, 1999). Elle a collaboré à plusieurs expositions, parmi lesquelles Le fabuleux destin des tableaux des abbés Desjardins, présentée en 2017 au Musée national des Beaux-Arts du Québec. Son dernier ouvrage s’intitule L’Action nationale. Le long combat pour le Québec (Del Busso, 2019).

Texte de l’invitée

Pourquoi s’intéresser de nos jours à Ignace Bourget?

Pour trois raisons.

- D’abord, cet évêque a contribué à renforcer beaucoup l’Église catholique du Québec. Il lui a donné une armature et un élan qui ont survécu pratiquement jusqu’au concile Vatican II. Il vaut la peine, je crois, d’en connaître un peu plus sur la dynamique de cette institution.

- Ensuite, en faisant occuper par l’Église les secteurs de l’éducation, de la santé, des services sociaux et de l’aménagement du territoire à une époque où les gouvernements du Canada-Uni se désintéressaient totalement ou presque de ces questions, Bourget a préparé, sur le terrain, l’attribution de ces juridictions à l’État québécois créé par la Confédération. Ce furent même des juridictions exclusives pendant plus d’un siècle, jusqu’à ce que l’État fédéral se mette à y pénétrer dans la seconde moitié du XXe siècle.

- Enfin, l’épiscopat de Mgr Bourget permet de réfléchir à un phénomène capital : celui des moyens dont un peuple dominé dispose pour affirmer son droit d’exister, et d’exister à sa façon, quand l’État auquel il appartient (ici le Canada-Uni) est constitué précisément pour favoriser sa disparition.